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Déclaration du Réseau WANEP-Bénin

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Le lundi 28 juillet 2014, WANEP-Bénin a donné, à son siège, un point de presse sur « Proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi N°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature » programmée en session extraordinaire à l’Assemblée Nationale du Bénin. Voir l’intégralité de la déclaration.

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Déclaration du Réseau WANEP-Bénin

‘’Chaque forme d’expression pacifique supprimée est une mutilation de la paix par l’apologie d’autres formes d’expressions, potentiellement violentes’’

Depuis le 24 Juin 2014 où le quotidien « Fraternité » en a fait cas, le Réseau Ouest Africain pour l’Edification de la Paix (WANEP-Bénin) suit, avec un intérêt grandissant, l’évolution du dossier de proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature.

En stipulant que désormais

« Les fonctions judicaires sont incompatibles avec tout mandat électoral ou politique. Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques. Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. Les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre tout action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer. Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est sanctionné par la mise à la retraite d’office »,

la modification proposée, en dénégation totale des acquis du libellé initial de l’article 18, promeut des entraves graves à la jouissance de garanties constitutionnelles et statutaires conférées aux magistrats et consolidées par la jurisprudence constitutionnelle pour soutenir l’indépendance nécessaire à la manifestation du pouvoir judiciaire.

Certes, nul n’ignore les conséquences désastreuses et irréversibles des grèves et débrayages dans le secteur de la justice sur les populations, toutes classes confondues. De la même manière, aucun Béninois ne conteste le principe et l’importance ’’de la continuité du service public’’ et ‘’de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens’’. Mais dans le contexte actuel béninois, l’opportunité et la portée de cette modification soulèvent la préoccupation cruciale des moyens dont disposeraient dorénavant les magistrats pour protester contre les conditions de travail ou même les abus et atteintes à leur indépendance.

          Comment une violation aussi flagrante du Titre II de notre Constitution du 11 décembre 1990 (art 23, 25, 31) et de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (Art 2, 8, 9, 10) peut résoudre un problème de dialogue et de gouvernance?

          Quel rêve nourrissons-nous pour cette République en privant les associations de la contribution d’élites auxquelles nous supprimons la liberté d’association ?

          Quel type de pays voulons-nous construire en muselant sa fine fleur ? Les grèves, quelles que soient leurs conséquences sur l’économie et sur notre quotidien, sont préférables à l’escalade de violence. Elles sont en effet assimilables à la soupape d’une cocotte-minute qui permet d’évacuer le condensé de chaleur.

          En stipulant que ‘’ les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral ou politique’’ cette initiative exclut desdits mandats les avocats, les greffiers, les huissiers, les notaires, les commissaires-priseurs, certains experts…. Et l’on se demande pour quels objectifs et quelles qualités d’hommes à ces niveaux ?

En stipulant à l’article 2 que ‘’la présente loi [1]qui abroge toutes dispositions antérieures contraires, sera exécutée comme loi d’Etat’’, cette initiative de modification de l’article 18 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature étend dangereusement ses conséquences sur d’innombrables autres lois d’organisation et de fonctionnement des institutions de la République. Sur le code électoral par exemple, elle entraînerait l’éviction des magistrats de la charpente institutionnelle de gestion des élections au Bénin et rend les avocats, greffiers, huissiers, notaires, commissaires-priseurs… définitivement inéligibles pour toutes élections à venir. Des telles exclusions compromettent les élections à venir qui, nous le savons tous, sont déjà dans une situation malaisée. Ailleurs, elle entraînerait l’éviction des magistrats présents à la cour constitutionnelle et de tous les autres acteurs du monde judiciaire (avocat, notaires, etc.) désignés par la loi et officiant dans des organes sensibles de la République.

Pour le Réseau WANEP-Bénin, il s’agit d’une situation de très grandes inquiétudes pour la paix par ces temps difficiles que traverse déjà le Bénin. L’attitude et le ton utilisés par certains députés initiateurs de cette loi modificative ne sont pas pour rassurer.

Le Réseau WANEP-Bénin est d’autant plus inquiet que, cette proposition de modification, malgré qu’elle soit rejetée, le 9 juillet 2014, après étude en commission des lois, se retrouve enrôlée pour une session extraordinaire qui débutera demain, mardi 29 juillet 2014 nonobstant les critiques populaires et les 3 marches populaires de protestation organisées sur initiative de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB).

L’heure est grave ! Et, constatant qu’une fois de plus, nous nous engageons avec nos institutions dans un bras de fer dont les issues seront indéniablement plus désastreuses pour les populations, le Réseau Ouest Africain pour l’Edification de la Paix (WANEP-Bénin), en ce 28 juillet 2014, veille d’un autre jour historique, 29 juillet 2014, invite :

          Les élus du peuple, tous bords confondus, à faire du 29 juillet 2014 une journée de consolidation de la paix en votant contre cette proposition de modification de l’article 18 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003. Tout autre geste sera un précédent historique malheureux qui retiendra des noms d’individus et celui d’une mandature, la 6ème.

          La Cour Constitutionnelle à se tenir prête, au cas où le rubicon sera franchi au Parlement, pour confirmer ses nombreuses jurisprudences en ces matières car, un revirement serait comme une mutilation dommageable à la paix relative au Bénin.

Pour le Réseau, les honorables députés initiateurs de la loi modificative auraient pu s’informer officiellement des tenants et aboutissants des grèves et débrayages dans le secteur de la justice en adressant, par exemple, une question au gouvernement et en rencontrant le bureau de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB). Pour avoir fait économie de méthode, WANEP-Bénin invite :

          Le parlement béninois, s’il en avait encore le temps, à user des dispositions de l’article 120 de son règlement intérieur qui veut que le député considère l’environnement social et surtout l’opinion publique avant de voter une loi. Et dans le cas présent, le parlement est invité à initier un dialogue dépassionné visant, éventuellement, un encadrement légal du droit de grève des magistrats dans le respect de l’Etat de droit rêvé par le Constituant béninois.  

WANEP-Bénin, en se référant au cas précédent, celui des douaniers, craint que les travailleurs de la santé et des enseignants soient les toutes prochaines cibles si la justice est atteinte par l’entremise des magistrats. Or, il ne fait aucun doute que cumuler des suppressions de pareilles formes d’expressions pacifiques n’est qu’une manière, un style rétrograde, de faire l’apologie d’autres formes d’expressions : la violence que nous savons tous regrettable et potentiellement maléfique pour la paix et la cohésion nationale.

Le Bénin se retrouve encore à la croisée des chemins !

Béninoises et Béninois, engageons-nous pour sauvegarder notre paix relative, renforçons l’unité et la cohésion nationale, prévenons pour ne pas connaitre les souffrances et les peines d’avoir à guérir.

Ensemble, tissons des relations pour la paix.

Ensemble visons le Bénin,

Et que vive le Bénin paisible.

Fait à Cotonou le lundi 28 juillet 2014.

Pour le Réseau WANEP-Bénin,

La Présidente du Conseil d’Administration,

Mme Fatoumatou BOTOKO ZOSSOU

 


[1]Souligné par nous pour préciser qu’il s’agit de la proposition de loi modification de l’article 18.

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